Des chercheurs français partent à l’assaut du Manaslu, au Népal, pour étudier les effets de l’altitude
- Sophie Martos
Les chercheurs de l’INSERM sont sur le pied de guerre, J-3 avant le début de l’expédition vers Manaslu, l’un des sommets du Népal, culminant à 8 156 m d’altitude. Accompagnés de quatre autres équipes scientifiques internationales (anglaises, américaine et australienne) et d’une cinquantaine de « trekkeurs » volontaires, les chercheurs s’apprêtent à arpenter Manaslu afin d’étudier pendant cinq semaines les facteurs prédictifs de la tolérance à l’altitude, les mécanismes sous-jacents aux difficultés d’adaptation et d’acclimatation à la haute altitude. Ils testeront également l’intérêt d’un masque spécifique d’amélioration de l’oxygénation.
Bien connu des alpinistes, le mal aigu des montagnes survient lorsque l’ascension est trop brutale et que les individus ne s’acclimatent pas ou peu aux conditions environnementales. Des difficultés d’adaptation comme les maux de tête, nausées ou forte fatigue résultant d’une diminution de la disponibilité de l’oxygène peuvent stopper le périple des trekkeurs. Dans des conditions extrêmes, des œdèmes pulmonaires et cérébraux peuvent être fatals. Mais pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres ? C’est à cette question que vont tenter de répondre les scientifiques.
Des participants au profil varié
Avant le départ, les participants volontaires au trek, âgés de 22 à 65 ans, de condition physique et d’expériences différentes, se sont prêtés du 16 au 23 février 2015 à une batterie de tests médicaux à Bangor University, au Pays de Galles : mesure du liquide extravasculaire pulmonaire par échographie pleuropulmonaire, perfusion cérébrale par Doppler transcrânien, oxygénation cérébrale par spectroscopie et fonction cardiaque par échographie (avant et pendant une ventilation sous pression expiratoire positive) ont été réalisées en laboratoire. Ces mesures seront reconduites en haute altitude puis comparées aux premières, effectuées en plaine. « Notre idée est de vérifier ce qu’on a fait en labo, sur le terrain », explique Samuel Vergès, chargé de recherche à l’INSERM au laboratoire « Hypoxie physiopathologie », le coordinateur de l’expédition coté français. Une équipe pluridisciplinaire composée de chercheurs et de 6 médecins expérimentés, spécialistes de la haute altitude, installera le laboratoire à près de 5 000 m. Cinq groupes de 10 personnes partiront dès mardi de Katmandou avec un jour d’intervalle pour étayer les mesures. « On a prévu d’effectuer 400 à 500 m par jour sur 10 jours. Il y aura des pauses si le sujet ne peut pas suivre », poursuit-il. Les trekkeurs resteront une dizaine de jours avant de repartir vers la capitale.
Essai d’un nouveau masque
L’équipe française souhaite évaluer les effets d’un masque à résistance expiratoire sur l’oxygénation artérielle et tissulaire sur les fuites extravasculaires pulmonaires ainsi que sur les symptômes de mal des montagnes en conditions réelles. « L’effet d’un masque en haute altitude permet d’augmenter la quantité d’oxygène dans l’organisme. On induit une surpression intrathoracique qui améliore les échanges gazeux. À terme, le masque pourrait être un scénario intéressant », souligne Samuel Vergès. Les altérations cérébrales et cardiaques seront également étudiées et leur réversibilité examinée grâce au port du masque. « Des études antérieures ont démontré que l’hypoxie aiguë entraîne une altération des propriétés de relaxation du myocarde. Une diminution des propriétés contractiles des cardiomyocytes pourrait être responsable de ce phénomène sans que des preuves objectives n’aient été encore obtenues », notent les chercheurs de l’INSERM.
Les apnées centrales du sommeil également scrutées
Un second projet sur l’altération du sommeil, fréquent en haute altitude, sera aussi mené. Dès 2 500 m d’altitude, des apnées centrales du sommeil surviennent chez les trekkeurs. « C’est un mécanisme impressionnant, indique Samuel Vergues, mais le plus intéressant, c’est qu’on ne sait pas si ces apnées sont un marqueur d’une mauvaise ou d’une bonne adaptation de l’organisme à la haute altitude. » L’équipe prévoit de comparer les modifications du sommeil perçues chez les participants s’adaptant bien à l’altitude à ceux présentant des symptômes du mal aigu des montagnes. Les premiers résultats des analyses seront disponibles six mois après le retour des chercheurs, annoncé le 26 avril prochain.
Source- http://www.lequotidiendumedecin.fr