Photo : dans l’enfer des femmes-esclaves au Népal

  • Publié le 23/10/2017. Mis à jour le 23/10/2017 à 16h50.
Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

La photoreporter Lizzie Sadin a assisté pendant 4 mois au cauchemar quotidien subi par près de 20 000 jeunes filles dans les boîtes de Katmandou. Ce travail, qui lui a valu le prix Carmignac 2017 du photojournalisme, est exposé à Paris jusqu’au 12 novembre. Retour sur les images les plus marquantes en compagnie de leur auteure.

Les couleurs sont chatoyantes, mais la fête n’est jamais au rendez-vous. La centaine d’images qu’expose Lizzie Sadin, 60 ans, vous prennent à l’estomac : les unes après les autres, elles dressent le désespérant tableau de la situation qui frappe de plus en plus de jeunes Népalaises. Viols, abus, exploitation, esclavage, il ne fait pas bon être pauvre et femme au Népal. D’après les ONG, 20 000 d’entre elles seraient exploitées dans l’industrie du sexe ; et 300 000 contraintes à des « emplois » de bonnes à (vraiment) tout faire dans les pays du Golfe.

« Ces jeunes filles sont dupées par des trafiquants qui traînent dans les villages. Souvent des amis ou même des membres de leur propre famille, qui leur font miroiter l’espoir d’une vie meilleure. Le plus souvent, elles sont cédées contre de l’argent par l’un de leurs proches », explique la photographe Lizzie Sadin, qui depuis vingt-cinq ans travaille sur les droits humains et, tout particulièrement, la condition des femmes dans le monde.

“ Ces filles qui vivent dans la peur ”

« La plupart de ces jeunes femmes n’ont même pas conscience de la gravité de la situation dans laquelle elles se trouvent »,raconte-t-elle. Pourtant, les photos montrent bien la cruauté de cet univers où elles se font exploiter, maltraiter, abuser : restaurants, bar-dancings ou dohoris (sorte de cabarets / maisons closes). « Je n’ai pas pu faire la moindre photo pendant les premières semaines de mon séjour au Népal, le temps de gagner la confiance de ces filles qui vivent dans la peur. De même, il a fallu user de stratagèmes pour ne pas trop attirer l’attention des tenanciers des bars où elles travaillent. J’ai dû prendre certaines photos à la volée ou en caméra cachée ».

Pour Télérama.fr, Lizzie Sadin revient sur certaines scènes qui l’ont marquée et qui font partie de la centaine de photos exposées à Paris.

« Rita, tu vas travailler »

RITA  Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

RITA
Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

« J’ai rencontré Rita dans la région de Pokhara, à la frontière avec l’Inde. C’est une ancienne esclave revenue de l’enfer des pays du Golfe. Elle s’était faite leurrer par une amie de son village qui lui avait proposé de partir pour l’Inde avec des promesses d’argent et de bijoux. La pauvreté est telle au Népal qu’elle n’a pas hésité.
Seulement, une fois arrivées, l’amie a disparu et Rita s’est retrouvée dans un bordel. On lui a dit “tu vas travailler”, mais sans lui dire en quoi cela consistait. Quand elle a compris, elle a refusé. On l’a aussitôt malmenée et enfermée pendant une semaine avec juste assez de nourriture pour survivre. Contrainte, elle n’a pu faire autrement que de se prostituer. C’est un raid fortuit de la police qui l’a libérée. Et, grâce à une ONG, elle est finalement revenue au Népal. »

Le secret des cabin-restaurants

Dans le secret des cabin-restaurants Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

Dans le secret des cabin-restaurants
Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

« A Katmandou, les filles qui se font piéger passent leur journée à travailler dans des gargotes miteuses, des cabarets ou des salons de massage. Ces filles sont là à la merci des clients dont elles doivent accepter les avances. Ici, on peut voir Kopila dans une cabine, petit espace à l’intérieur du restaurant à l’abri des regards. Ce qui m’a frappée, c’est que l’homme qui abuse d’elle n’a pas du tout le sentiment de faire quelque chose de répréhensible… »

Motus et bouche cousue

Motus et bouche cousue Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

Motus et bouche cousue
Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

« Parfois, les trafiquants sont les parents eux-mêmes. Cela pourrait être le cas de cette dame accompagnée de plusieurs très jeunes filles qui tente de passer la frontière avec l’Inde à bord d’une charette. Seulement, la police soupçonne que ce ne sont pas ses enfants, et qu’elle cherche sans doute à aller les livrer en Inde pour une destination encore plus lointaine. Aidés par des bénévoles d’une ONG, qui sont d’anciennes victimes du trafic, les policiers l’assaillent de questions. Mais toutes se taisent, la dame comme les fillettes, lesquelles, du reste, ne savent pas forcément où on les emmène ni pour quoi faire. »

L’enfer des dohoris

L’enfer des dohoris Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

L’enfer des dohoris
Lizzie Sadin : dans l’enfer de l’esclavage des femmes au Népal

Cette photo est l’une de celles que j’ai prises à la dérobée. La jeune fille à droite est chanteuse d’un dohori, une sorte de bar-dancing. Elle a reçu des avances d’un client. En attendant de passer à la casserole, elle est obligée de lui tenir compagnie sous le regard du patron du cabaret qui contrôle ses moindres faits et gestes. Les filles qui travaillent dans ces dohorisdoivent tout accepter : attouchements, grossièretés… »

Source- http://www.telerama.fr

 

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