“On peut passer dix heures à attendre dans le froid” : le dangereux succès de l’Everest, sommet le plus embouteillé du monde

-Marie-Violette Bernard/France Télévisions

Plus de 800 personnes ont tenté l’ascension de la plus haute montagne du monde, cette année. Une saison qui a été marquée par des engorgements à près de 8 800 mètres d’altitude et onze morts.

“J’ai passé une heure trente à faire la circulation au sommet du monde.” Le matin du 22 mai, Nirmal Purja est “resté bloqué quatre heures” dans le long serpentin d’alpinistes qui cheminaient lentement vers le sommet de l’Everest. Sur le célèbre ressaut d’Hillary, à 8 800 mètres d’altitude, plusieurs dizaines de personnes ont fait la queue sur une mince bande de neige pour atteindre le point culminant de la planète. “En redescendant, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose”, raconte à franceinfo l’ancien militaire britannico-népalais, qui s’est fixé l’incroyable défi de réussir l’ascension de 14 plus hauts sommets du monde en sept mois. “Alors j’ai organisé le passage des uns et des autres.” 

La photo de l’embouteillage, postée sur son compte Instagram, a été reprise par les médias du monde entier. Et pour cause : à cette altitude, appelée la “zone de la mort”, l’oxygène se raréfie et les températures sont glaciales. Sans compter le risque d’une chute mortelle depuis la corniche. “Sur le ressaut, il n’y a de place que pour une seule personne à la fois. Donc il faut laisser passer tous ceux qui descendent, se clipper et se déclipper de la corde fixe à chaque fois”, explique Lukas Furtenbach, qui dirige une entreprise proposant des expéditions sur les plus hauts sommets de la planète, dont l’Everest.

Très peu de “fenêtres d’ascension”

“Je n’avais jamais vu un embouteillage d’alpinistes, ça enlève un peu du charme de la montagne”, soupire Joyce Azzam, qui a gravi l’Everest le 23 mai avec une foule tout aussi compacte. Cette année, la congestion sur la montagne himalayenne a été accentuée par une météo difficile. Au printemps, les alpinistes disposent en moyenne d’une dizaine de “fenêtres d’ascension”, des journées de beau temps et sans vent qui permettent de s’aventurer jusqu’au sommet. “Cette saison, il n’y en a eu que trois, du 22 au 24 mai, souligne Alan Arnette, chroniqueur américain de l’Everest. Tous les alpinistes ont tenté l’ascension sur ces trois jours.”

La Française Elisabeth Revol, secourue lors d’une impressionnante opération sur le Nanga Parbat un an plus tôt, se trouvait parmi eux. “Que ce soit pour les montées aux différents camps ou pour les tentatives de sommet, la majorité des départs se font en même temps et très tôt, indique-t-elle à Libération. Quand on se met en décalage, en revanche, c’est calme.” La difficulté : sur l’Everest, les conditions météorologiques se dégradent dans l’après-midi. “Le vent se lève, les rafales sont fortes et il fait plus froid. Le risque pour les alpinistes est donc plus élevé”, note Lukas Furtenbach.

Les embouteillages au sommet de l’Everest ne sont pas une nouveauté. En mai 2012, l’alpiniste allemand Ralf Dujmovits photographiait déjà une longue file d’alpinistes sous le camp 3, à plus de 7 000 mètres d’altitude. “Je pouvais à peine croire ce que je voyais, que tant de personnes avaient décidé au même moment de grimper”, relate-t-il au magazine Outside (en anglais)“Lorsque le versant népalais est très congestionné, cela peut rallonger le trajet de six heures à l’aller et de quatre heures au retour. On peut donc passer jusqu’à dix heures à attendre dans le froid, en essayant d’éviter les gelures et d’économiser sa réserve d’oxygène”, détaille Lukas Furtenbach.

“L’Everest est devenu plus accessible”

Depuis la première ascension réussie par Edmund Hillary et Tenzing Norgay, en 1953, la popularité du sommet n’a cessé de croître (et avec elle la quantité de déchets laissés sur l’Everest). Jusqu’à la fin des années 1980, le Népal n’autorisait qu’un nombre limité d’expéditions à se lancer chaque année. En 1988, Marc Batard “a croisé quelques personnes, mais pas d’embouteillages”. “J‘étais content de trouver une petite douzaine de personnes au sommet à mon arrivée, pour avoir des témoins de mon record”, sourit le premier Français à avoir réalisé l’ascension sans oxygène.

En 2022, l’alpiniste de 70 ans repartira sur l’Everest dans des conditions différentes. Selon les chiffres de l’Himalayan Database, 1 221 alpinistes se sont élancés du camp de base et 839 sont parvenus au sommet en 2018. Cette année, un nombre record de 381 permis a été délivré par Katmandou, indique le New York Times (en anglais). Et 885 alpinistes ont atteint le sommet depuis début janvier, un chiffre jamais atteint jusque là. Chaque étranger doit obligatoirement être accompagné d’au moins un sherpa, ce qui porte à plus de 800 le nombre de personnes qui s’aventurent sur le versant népalais de la montagne. La Chine accorde elle aussi des permis pour l’ascension via le Tibet. “L’Everest est devenu plus accessible : il y a des cordes fixes qui facilitent la montée, des échelles, plus de sécurité. Cela encourage les alpinistes à venir”, analyse Joyce Azzam, qui a gravi les sept plus hauts sommets du monde.

“J’ai passé une heure trente à faire la circulation au sommet du monde.” Le matin du 22 mai, Nirmal Purja est “resté bloqué quatre heures” dans le long serpentin d’alpinistes qui cheminaient lentement vers le sommet de l’Everest. Sur le célèbre ressaut d’Hillary, à 8 800 mètres d’altitude, plusieurs dizaines de personnes ont fait la queue sur une mince bande de neige pour atteindre le point culminant de la planète. “En redescendant, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose”, raconte à franceinfo l’ancien militaire britannico-népalais, qui s’est fixé l’incroyable défi de réussir l’ascension de 14 plus hauts sommets du monde en sept mois. “Alors j’ai organisé le passage des uns et des autres.” 

La photo de l’embouteillage, postée sur son compte Instagram, a été reprise par les médias du monde entier. Et pour cause : à cette altitude, appelée la “zone de la mort”, l’oxygène se raréfie et les températures sont glaciales. Sans compter le risque d’une chute mortelle depuis la corniche. “Sur le ressaut, il n’y a de place que pour une seule personne à la fois. Donc il faut laisser passer tous ceux qui descendent, se clipper et se déclipper de la corde fixe à chaque fois”, explique Lukas Furtenbach, qui dirige une entreprise proposant des expéditions sur les plus hauts sommets de la planète, dont l’Everest.

Très peu de “fenêtres d’ascension”

“Je n’avais jamais vu un embouteillage d’alpinistes, ça enlève un peu du charme de la montagne”, soupire Joyce Azzam, qui a gravi l’Everest le 23 mai avec une foule tout aussi compacte. Cette année, la congestion sur la montagne himalayenne a été accentuée par une météo difficile. Au printemps, les alpinistes disposent en moyenne d’une dizaine de “fenêtres d’ascension”, des journées de beau temps et sans vent qui permettent de s’aventurer jusqu’au sommet. “Cette saison, il n’y en a eu que trois, du 22 au 24 mai, souligne Alan Arnette, chroniqueur américain de l’Everest. Tous les alpinistes ont tenté l’ascension sur ces trois jours.”

La Française Elisabeth Revol, secourue lors d’une impressionnante opération sur le Nanga Parbat un an plus tôt, se trouvait parmi eux. “Que ce soit pour les montées aux différents camps ou pour les tentatives de sommet, la majorité des départs se font en même temps et très tôt, indique-t-elle à Libération. Quand on se met en décalage, en revanche, c’est calme.” La difficulté : sur l’Everest, les conditions météorologiques se dégradent dans l’après-midi. “Le vent se lève, les rafales sont fortes et il fait plus froid. Le risque pour les alpinistes est donc plus élevé”, note Lukas Furtenbach.

Les embouteillages au sommet de l’Everest ne sont pas une nouveauté. En mai 2012, l’alpiniste allemand Ralf Dujmovits photographiait déjà une longue file d’alpinistes sous le camp 3, à plus de 7 000 mètres d’altitude. “Je pouvais à peine croire ce que je voyais, que tant de personnes avaient décidé au même moment de grimper”, relate-t-il au magazine Outside (en anglais)“Lorsque le versant népalais est très congestionné, cela peut rallonger le trajet de six heures à l’aller et de quatre heures au retour. On peut donc passer jusqu’à dix heures à attendre dans le froid, en essayant d’éviter les gelures et d’économiser sa réserve d’oxygène”, détaille Lukas Furtenbach.

“L’Everest est devenu plus accessible”

Depuis la première ascension réussie par Edmund Hillary et Tenzing Norgay, en 1953, la popularité du sommet n’a cessé de croître (et avec elle la quantité de déchets laissés sur l’Everest). Jusqu’à la fin des années 1980, le Népal n’autorisait qu’un nombre limité d’expéditions à se lancer chaque année. En 1988, Marc Batard “a croisé quelques personnes, mais pas d’embouteillages”. “J‘étais content de trouver une petite douzaine de personnes au sommet à mon arrivée, pour avoir des témoins de mon record”, sourit le premier Français à avoir réalisé l’ascension sans oxygène.

En 2022, l’alpiniste de 70 ans repartira sur l’Everest dans des conditions différentes. Selon les chiffres de l’Himalayan Database, 1 221 alpinistes se sont élancés du camp de base et 839 sont parvenus au sommet en 2018. Cette année, un nombre record de 381 permis a été délivré par Katmandou, indique le New York Times (en anglais). Et 885 alpinistes ont atteint le sommet depuis début janvier, un chiffre jamais atteint jusque là. Chaque étranger doit obligatoirement être accompagné d’au moins un sherpa, ce qui porte à plus de 800 le nombre de personnes qui s’aventurent sur le versant népalais de la montagne. La Chine accorde elle aussi des permis pour l’ascension via le Tibet. “L’Everest est devenu plus accessible : il y a des cordes fixes qui facilitent la montée, des échelles, plus de sécurité. Cela encourage les alpinistes à venir”, analyse Joyce Azzam, qui a gravi les sept plus hauts sommets du monde.

L’explosion du nombre d’ascensions sur l’Everest est aussi due à l’apparition récente de nouvelles compagnies népalaises, bien moins chères que leurs concurrentes occidentales. “Certaines proposent des expéditions à 30 000 dollars, contre 70 000 à 130 000 dollars pour les entreprises américaines”, en plus des 11 000 dollars à débourser pour obtenir un permis au Népal, détaille Alan Arnette. Selon l’Américain, ce tarif alléchant se traduit par des économies sur le matériel, le nombre de bonbonnes d’oxygène ou encore sur l’expérience des sherpas. “J’ai une amie, rencontrée au camp de base, qui a découvert que son masque à oxygène fuyait. Son guide n’en avait pas d’autre, témoigne Joyce Azzam. Elle a dû trouver une solution elle-même, acheter le masque d’une alpiniste qui descendait vers le camp 3.”

Des grimpeurs inexpérimentés

Certains observateurs accusent ces compagnies “low cost” d’accepter des clients manquant cruellement d’expérience. Rassurés par les améliorations techniques, certains alpinistes sous-estiment la difficulté de l’Everest. Les candidats au sommet doivent pourtant grimper par -40 °C durant des heures, un imposant masque sur le visage, de lourdes chaussures à crampons aux pieds. Sans compter le risque de gelures, de mal de la montagne et de mort”, énumère Lukas Furtenbach.

L’ascension de l’Everest est une épreuve physique et psychologique. Ni les guides, ni les sherpas ne vous porteront jusqu’au sommet.Lukas Furtenbachà franceinfo

Tous les alpinistes interrogés par franceinfo pointent les dangers de ce manque d’expérience. “Si vous n’êtes jamais allé à plus de 8 000 mètres, vous ne savez pas comment votre corps réagit dans ces conditions extrêmes. Vous ne savez pas reconnaître les signes de mal des montagnes, prévient Alan Arnette. Vous ne savez pas non plus qu’il n’y a ni technique, ni médicament pour soigner ce syndrome. Il faut redescendre car chaque pas en avant vous rapproche un peu plus de la mort.” Onze personnes ont perdu la vie cette année sur les pentes de l’Everest, faisant de cette saison la plus mortelle depuis 2015. “Juste avant le ressaut d’Hillary, nous avons dû enjamber un cadavre. Il semblait s’être écroulé d’épuisement, confie Joyce Azzam à franceinfo. C’était effrayant.”

En outre, les moins expérimentés accentuent l’effet d’étranglement sur les pentes de l’Everest. “Les alpinistes chevronnés peuvent dépasser les autres dans les parties les plus larges, mais les amateurs avancent lentement. Dans les zones les plus compliquées, ils ralentissent tout le monde”, s’inquiète Marc Batard. Le Français a vu cette année “une photo d’un embouteillage entre le camp de base et le camp 1″, dans la cascade de glace du Khumbu. “Les avalanches de glace y sont fréquentes : s’il y avait une secousse sismique alors que toutes ces personnes avancent en file indienne, ce serait une véritable catastrophe”, met-il en garde.

(photo Everest Today)

“Les gens sont obsédés par le sommet”

Pour fuir l’engorgement, Furtenbach Adventures a décidé en 2018 de faire partir ses expéditions de Chine. Sur la face tibétaine de la montagne, la pente est plus technique, les “fenêtres d’ascension” moins fréquentes. Résultat, les candidats sont moins nombreux et leur progression plus rapide. “Cela nous fait gagner beaucoup de temps, même si on retrouve tous les autres sur la dernière partie du trajet.” Le 23 mai, Lukas Furtenbach et son équipe n’ont perdu “que 40 minutes” dans la file d’attente vers le sommet.

Les 22 et 23 mai, une foule d’alpinistes s’est pressée au sommet de l’Everest. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

“J’ai passé une heure trente à faire la circulation au sommet du monde.” Le matin du 22 mai, Nirmal Purja est “resté bloqué quatre heures” dans le long serpentin d’alpinistes qui cheminaient lentement vers le sommet de l’Everest. Sur le célèbre ressaut d’Hillary, à 8 800 mètres d’altitude, plusieurs dizaines de personnes ont fait la queue sur une mince bande de neige pour atteindre le point culminant de la planète. “En redescendant, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose”, raconte à franceinfo l’ancien militaire britannico-népalais, qui s’est fixé l’incroyable défi de réussir l’ascension de 14 plus hauts sommets du monde en sept mois. “Alors j’ai organisé le passage des uns et des autres.” 

La photo de l’embouteillage, postée sur son compte Instagram, a été reprise par les médias du monde entier. Et pour cause : à cette altitude, appelée la “zone de la mort”, l’oxygène se raréfie et les températures sont glaciales. Sans compter le risque d’une chute mortelle depuis la corniche. “Sur le ressaut, il n’y a de place que pour une seule personne à la fois. Donc il faut laisser passer tous ceux qui descendent, se clipper et se déclipper de la corde fixe à chaque fois”, explique Lukas Furtenbach, qui dirige une entreprise proposant des expéditions sur les plus hauts sommets de la planète, dont l’Everest.

Très peu de “fenêtres d’ascension”

“Je n’avais jamais vu un embouteillage d’alpinistes, ça enlève un peu du charme de la montagne”, soupire Joyce Azzam, qui a gravi l’Everest le 23 mai avec une foule tout aussi compacte. Cette année, la congestion sur la montagne himalayenne a été accentuée par une météo difficile. Au printemps, les alpinistes disposent en moyenne d’une dizaine de “fenêtres d’ascension”, des journées de beau temps et sans vent qui permettent de s’aventurer jusqu’au sommet. “Cette saison, il n’y en a eu que trois, du 22 au 24 mai, souligne Alan Arnette, chroniqueur américain de l’Everest. Tous les alpinistes ont tenté l’ascension sur ces trois jours.”

La Française Elisabeth Revol, secourue lors d’une impressionnante opération sur le Nanga Parbat un an plus tôt, se trouvait parmi eux. “Que ce soit pour les montées aux différents camps ou pour les tentatives de sommet, la majorité des départs se font en même temps et très tôt, indique-t-elle à Libération. Quand on se met en décalage, en revanche, c’est calme.” La difficulté : sur l’Everest, les conditions météorologiques se dégradent dans l’après-midi. “Le vent se lève, les rafales sont fortes et il fait plus froid. Le risque pour les alpinistes est donc plus élevé”, note Lukas Furtenbach.

Les étapes de l\'ascension sur la face népalaise de l\'Everest.
Les étapes de l’ascension sur la face népalaise de l’Everest. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Les embouteillages au sommet de l’Everest ne sont pas une nouveauté. En mai 2012, l’alpiniste allemand Ralf Dujmovits photographiait déjà une longue file d’alpinistes sous le camp 3, à plus de 7 000 mètres d’altitude. “Je pouvais à peine croire ce que je voyais, que tant de personnes avaient décidé au même moment de grimper”, relate-t-il au magazine Outside (en anglais)“Lorsque le versant népalais est très congestionné, cela peut rallonger le trajet de six heures à l’aller et de quatre heures au retour. On peut donc passer jusqu’à dix heures à attendre dans le froid, en essayant d’éviter les gelures et d’économiser sa réserve d’oxygène”, détaille Lukas Furtenbach.

“L’Everest est devenu plus accessible”

Depuis la première ascension réussie par Edmund Hillary et Tenzing Norgay, en 1953, la popularité du sommet n’a cessé de croître (et avec elle la quantité de déchets laissés sur l’Everest). Jusqu’à la fin des années 1980, le Népal n’autorisait qu’un nombre limité d’expéditions à se lancer chaque année. En 1988, Marc Batard “a croisé quelques personnes, mais pas d’embouteillages”. “J‘étais content de trouver une petite douzaine de personnes au sommet à mon arrivée, pour avoir des témoins de mon record”, sourit le premier Français à avoir réalisé l’ascension sans oxygène.

En 2022, l’alpiniste de 70 ans repartira sur l’Everest dans des conditions différentes. Selon les chiffres de l’Himalayan Database, 1 221 alpinistes se sont élancés du camp de base et 839 sont parvenus au sommet en 2018. Cette année, un nombre record de 381 permis a été délivré par Katmandou, indique le New York Times (en anglais). Et 885 alpinistes ont atteint le sommet depuis début janvier, un chiffre jamais atteint jusque là. Chaque étranger doit obligatoirement être accompagné d’au moins un sherpa, ce qui porte à plus de 800 le nombre de personnes qui s’aventurent sur le versant népalais de la montagne. La Chine accorde elle aussi des permis pour l’ascension via le Tibet. “L’Everest est devenu plus accessible : il y a des cordes fixes qui facilitent la montée, des échelles, plus de sécurité. Cela encourage les alpinistes à venir”, analyse Joyce Azzam, qui a gravi les sept plus hauts sommets du monde.

L’explosion du nombre d’ascensions sur l’Everest est aussi due à l’apparition récente de nouvelles compagnies népalaises, bien moins chères que leurs concurrentes occidentales. “Certaines proposent des expéditions à 30 000 dollars, contre 70 000 à 130 000 dollars pour les entreprises américaines”, en plus des 11 000 dollars à débourser pour obtenir un permis au Népal, détaille Alan Arnette. Selon l’Américain, ce tarif alléchant se traduit par des économies sur le matériel, le nombre de bonbonnes d’oxygène ou encore sur l’expérience des sherpas. “J’ai une amie, rencontrée au camp de base, qui a découvert que son masque à oxygène fuyait. Son guide n’en avait pas d’autre, témoigne Joyce Azzam. Elle a dû trouver une solution elle-même, acheter le masque d’une alpiniste qui descendait vers le camp 3.”

Des grimpeurs inexpérimentés

Certains observateurs accusent ces compagnies “low cost” d’accepter des clients manquant cruellement d’expérience. Rassurés par les améliorations techniques, certains alpinistes sous-estiment la difficulté de l’Everest. Les candidats au sommet doivent pourtant grimper par -40 °C durant des heures, un imposant masque sur le visage, de lourdes chaussures à crampons aux pieds. Sans compter le risque de gelures, de mal de la montagne et de mort”, énumère Lukas Furtenbach.

L’ascension de l’Everest est une épreuve physique et psychologique. Ni les guides, ni les sherpas ne vous porteront jusqu’au sommet.Lukas Furtenbachà franceinfo

Tous les alpinistes interrogés par franceinfo pointent les dangers de ce manque d’expérience. “Si vous n’êtes jamais allé à plus de 8 000 mètres, vous ne savez pas comment votre corps réagit dans ces conditions extrêmes. Vous ne savez pas reconnaître les signes de mal des montagnes, prévient Alan Arnette. Vous ne savez pas non plus qu’il n’y a ni technique, ni médicament pour soigner ce syndrome. Il faut redescendre car chaque pas en avant vous rapproche un peu plus de la mort.” Onze personnes ont perdu la vie cette année sur les pentes de l’Everest, faisant de cette saison la plus mortelle depuis 2015. “Juste avant le ressaut d’Hillary, nous avons dû enjamber un cadavre. Il semblait s’être écroulé d’épuisement, confie Joyce Azzam à franceinfo. C’était effrayant.”

En outre, les moins expérimentés accentuent l’effet d’étranglement sur les pentes de l’Everest. “Les alpinistes chevronnés peuvent dépasser les autres dans les parties les plus larges, mais les amateurs avancent lentement. Dans les zones les plus compliquées, ils ralentissent tout le monde”, s’inquiète Marc Batard. Le Français a vu cette année “une photo d’un embouteillage entre le camp de base et le camp 1″, dans la cascade de glace du Khumbu. “Les avalanches de glace y sont fréquentes : s’il y avait une secousse sismique alors que toutes ces personnes avancent en file indienne, ce serait une véritable catastrophe”, met-il en garde.

“Les gens sont obsédés par le sommet”

Pour fuir l’engorgement, Furtenbach Adventures a décidé en 2018 de faire partir ses expéditions de Chine. Sur la face tibétaine de la montagne, la pente est plus technique, les “fenêtres d’ascension” moins fréquentes. Résultat, les candidats sont moins nombreux et leur progression plus rapide. “Cela nous fait gagner beaucoup de temps, même si on retrouve tous les autres sur la dernière partie du trajet.” Le 23 mai, Lukas Furtenbach et son équipe n’ont perdu “que 40 minutes” dans la file d’attente vers le sommet.

Les alpinistes sont moins nombreux sur la face nord de l\'Everest (Chine), comme le montre cette photo d\'une expédition de Furtenbach Adventures prise le 23 mai 2019.
Les alpinistes sont moins nombreux sur la face nord de l’Everest (Chine), comme le montre cette photo d’une expédition de Furtenbach Adventures prise le 23 mai 2019. (FURTENBACH ADVENTURES)

Pour réduire les risques et la pollution liée à tout ces passages, certains observateurs préconisent de limiter le nombre de permis délivrés par Katmandou. Mais le Népal, l’un des pays les plus pauvres au monde, peut difficilement se passer des 3,8 millions d’euros qu’il tire chaque année de ce business. Personnellement, je crois qu’il ne s’agit pas tant du nombre de permis que du genre d’alpinistes à qui nous les accordons”, estime le directeur du département népalais du Tourisme, interrogé par le Washington Post (en anglais). “La montagne appartient à tout le monde”, tranche Nirmal Purja. Il appelle toutefois les alpinistes amateurs à “mieux se préparer” avant de s’attaquer aux plus hauts sommets. “Il faut commencer par un ‘6 000’, puis un ‘7 000’, insiste-t-il. Et savoir renoncer lorsque l’ascension devient trop dangereuse.

“J’ai passé une heure trente à faire la circulation au sommet du monde.” Le matin du 22 mai, Nirmal Purja est “resté bloqué quatre heures” dans le long serpentin d’alpinistes qui cheminaient lentement vers le sommet de l’Everest. Sur le célèbre ressaut d’Hillary, à 8 800 mètres d’altitude, plusieurs dizaines de personnes ont fait la queue sur une mince bande de neige pour atteindre le point culminant de la planète. “En redescendant, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose”, raconte à franceinfo l’ancien militaire britannico-népalais, qui s’est fixé l’incroyable défi de réussir l’ascension de 14 plus hauts sommets du monde en sept mois. “Alors j’ai organisé le passage des uns et des autres.” 

La photo de l’embouteillage, postée sur son compte Instagram, a été reprise par les médias du monde entier. Et pour cause : à cette altitude, appelée la “zone de la mort”, l’oxygène se raréfie et les températures sont glaciales. Sans compter le risque d’une chute mortelle depuis la corniche. “Sur le ressaut, il n’y a de place que pour une seule personne à la fois. Donc il faut laisser passer tous ceux qui descendent, se clipper et se déclipper de la corde fixe à chaque fois”, explique Lukas Furtenbach, qui dirige une entreprise proposant des expéditions sur les plus hauts sommets de la planète, dont l’Everest.

Très peu de “fenêtres d’ascension”

“Je n’avais jamais vu un embouteillage d’alpinistes, ça enlève un peu du charme de la montagne”, soupire Joyce Azzam, qui a gravi l’Everest le 23 mai avec une foule tout aussi compacte. Cette année, la congestion sur la montagne himalayenne a été accentuée par une météo difficile. Au printemps, les alpinistes disposent en moyenne d’une dizaine de “fenêtres d’ascension”, des journées de beau temps et sans vent qui permettent de s’aventurer jusqu’au sommet. “Cette saison, il n’y en a eu que trois, du 22 au 24 mai, souligne Alan Arnette, chroniqueur américain de l’Everest. Tous les alpinistes ont tenté l’ascension sur ces trois jours.”

La Française Elisabeth Revol, secourue lors d’une impressionnante opération sur le Nanga Parbat un an plus tôt, se trouvait parmi eux. “Que ce soit pour les montées aux différents camps ou pour les tentatives de sommet, la majorité des départs se font en même temps et très tôt, indique-t-elle à Libération. Quand on se met en décalage, en revanche, c’est calme.” La difficulté : sur l’Everest, les conditions météorologiques se dégradent dans l’après-midi. “Le vent se lève, les rafales sont fortes et il fait plus froid. Le risque pour les alpinistes est donc plus élevé”, note Lukas Furtenbach.

Les étapes de l’ascension sur la face népalaise de l’Everest. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Les embouteillages au sommet de l’Everest ne sont pas une nouveauté. En mai 2012, l’alpiniste allemand Ralf Dujmovits photographiait déjà une longue file d’alpinistes sous le camp 3, à plus de 7 000 mètres d’altitude. “Je pouvais à peine croire ce que je voyais, que tant de personnes avaient décidé au même moment de grimper”, relate-t-il au magazine Outside (en anglais)“Lorsque le versant népalais est très congestionné, cela peut rallonger le trajet de six heures à l’aller et de quatre heures au retour. On peut donc passer jusqu’à dix heures à attendre dans le froid, en essayant d’éviter les gelures et d’économiser sa réserve d’oxygène”, détaille Lukas Furtenbach.

“L’Everest est devenu plus accessible”

Depuis la première ascension réussie par Edmund Hillary et Tenzing Norgay, en 1953, la popularité du sommet n’a cessé de croître (et avec elle la quantité de déchets laissés sur l’Everest). Jusqu’à la fin des années 1980, le Népal n’autorisait qu’un nombre limité d’expéditions à se lancer chaque année. En 1988, Marc Batard “a croisé quelques personnes, mais pas d’embouteillages”. “J‘étais content de trouver une petite douzaine de personnes au sommet à mon arrivée, pour avoir des témoins de mon record”, sourit le premier Français à avoir réalisé l’ascension sans oxygène.

En 2022, l’alpiniste de 70 ans repartira sur l’Everest dans des conditions différentes. Selon les chiffres de l’Himalayan Database, 1 221 alpinistes se sont élancés du camp de base et 839 sont parvenus au sommet en 2018. Cette année, un nombre record de 381 permis a été délivré par Katmandou, indique le New York Times (en anglais). Et 885 alpinistes ont atteint le sommet depuis début janvier, un chiffre jamais atteint jusque là. Chaque étranger doit obligatoirement être accompagné d’au moins un sherpa, ce qui porte à plus de 800 le nombre de personnes qui s’aventurent sur le versant népalais de la montagne. La Chine accorde elle aussi des permis pour l’ascension via le Tibet. “L’Everest est devenu plus accessible : il y a des cordes fixes qui facilitent la montée, des échelles, plus de sécurité. Cela encourage les alpinistes à venir”, analyse Joyce Azzam, qui a gravi les sept plus hauts sommets du monde.

L’explosion du nombre d’ascensions sur l’Everest est aussi due à l’apparition récente de nouvelles compagnies népalaises, bien moins chères que leurs concurrentes occidentales. “Certaines proposent des expéditions à 30 000 dollars, contre 70 000 à 130 000 dollars pour les entreprises américaines”, en plus des 11 000 dollars à débourser pour obtenir un permis au Népal, détaille Alan Arnette. Selon l’Américain, ce tarif alléchant se traduit par des économies sur le matériel, le nombre de bonbonnes d’oxygène ou encore sur l’expérience des sherpas. “J’ai une amie, rencontrée au camp de base, qui a découvert que son masque à oxygène fuyait. Son guide n’en avait pas d’autre, témoigne Joyce Azzam. Elle a dû trouver une solution elle-même, acheter le masque d’une alpiniste qui descendait vers le camp 3.”

Des grimpeurs inexpérimentés

Certains observateurs accusent ces compagnies “low cost” d’accepter des clients manquant cruellement d’expérience. Rassurés par les améliorations techniques, certains alpinistes sous-estiment la difficulté de l’Everest. Les candidats au sommet doivent pourtant grimper par -40 °C durant des heures, un imposant masque sur le visage, de lourdes chaussures à crampons aux pieds. Sans compter le risque de gelures, de mal de la montagne et de mort”, énumère Lukas Furtenbach.

L’ascension de l’Everest est une épreuve physique et psychologique. Ni les guides, ni les sherpas ne vous porteront jusqu’au sommet.Lukas Furtenbachà franceinfo

Tous les alpinistes interrogés par franceinfo pointent les dangers de ce manque d’expérience. “Si vous n’êtes jamais allé à plus de 8 000 mètres, vous ne savez pas comment votre corps réagit dans ces conditions extrêmes. Vous ne savez pas reconnaître les signes de mal des montagnes, prévient Alan Arnette. Vous ne savez pas non plus qu’il n’y a ni technique, ni médicament pour soigner ce syndrome. Il faut redescendre car chaque pas en avant vous rapproche un peu plus de la mort.” Onze personnes ont perdu la vie cette année sur les pentes de l’Everest, faisant de cette saison la plus mortelle depuis 2015. “Juste avant le ressaut d’Hillary, nous avons dû enjamber un cadavre. Il semblait s’être écroulé d’épuisement, confie Joyce Azzam à franceinfo. C’était effrayant.”

En outre, les moins expérimentés accentuent l’effet d’étranglement sur les pentes de l’Everest. “Les alpinistes chevronnés peuvent dépasser les autres dans les parties les plus larges, mais les amateurs avancent lentement. Dans les zones les plus compliquées, ils ralentissent tout le monde”, s’inquiète Marc Batard. Le Français a vu cette année “une photo d’un embouteillage entre le camp de base et le camp 1″, dans la cascade de glace du Khumbu. “Les avalanches de glace y sont fréquentes : s’il y avait une secousse sismique alors que toutes ces personnes avancent en file indienne, ce serait une véritable catastrophe”, met-il en garde.

“Les gens sont obsédés par le sommet”

Pour fuir l’engorgement, Furtenbach Adventures a décidé en 2018 de faire partir ses expéditions de Chine. Sur la face tibétaine de la montagne, la pente est plus technique, les “fenêtres d’ascension” moins fréquentes. Résultat, les candidats sont moins nombreux et leur progression plus rapide. “Cela nous fait gagner beaucoup de temps, même si on retrouve tous les autres sur la dernière partie du trajet.” Le 23 mai, Lukas Furtenbach et son équipe n’ont perdu “que 40 minutes” dans la file d’attente vers le sommet.

Les alpinistes sont moins nombreux sur la face nord de l\'Everest (Chine), comme le montre cette photo d\'une expédition de Furtenbach Adventures prise le 23 mai 2019.
Les alpinistes sont moins nombreux sur la face nord de l’Everest (Chine), comme le montre cette photo d’une expédition de Furtenbach Adventures prise le 23 mai 2019. (FURTENBACH ADVENTURES)

Pour réduire les risques et la pollution liée à tout ces passages, certains observateurs préconisent de limiter le nombre de permis délivrés par Katmandou. Mais le Népal, l’un des pays les plus pauvres au monde, peut difficilement se passer des 3,8 millions d’euros qu’il tire chaque année de ce business. Personnellement, je crois qu’il ne s’agit pas tant du nombre de permis que du genre d’alpinistes à qui nous les accordons”, estime le directeur du département népalais du Tourisme, interrogé par le Washington Post (en anglais). “La montagne appartient à tout le monde”, tranche Nirmal Purja. Il appelle toutefois les alpinistes amateurs à “mieux se préparer” avant de s’attaquer aux plus hauts sommets. “Il faut commencer par un ‘6 000’, puis un ‘7 000’, insiste-t-il. Et savoir renoncer lorsque l’ascension devient trop dangereuse.

Si le tout premier sommet que vous tentez est l’Everest, vous avez été très mal conseillé.Alan Arnette

Certains ont toutefois du mal à résister à la “fièvre des sommets”, cette obsession de réussir l’ascension, souligne Reuters (en anglais). Au-delà de la performance et du rêve de se tenir sur le point culminant de la planète, les grimpeurs sont attirés par la gloire que peut leur apporter un succès sur l’Everest. “Si un [Indien] inexpérimenté atteint le sommet, il est convié à plusieurs événements en tant qu’invité d’honneur”, raconte par exemple un ancien alpiniste à Reuters. “Les gens sont obsédés par le sommet, confirme Rizza Alee, un grimpeur indien de 18 ans, contacté par le New York Times. Ils sont prêts à se suicider pour lui.” Pour Alan Arnette, le mythe du “toit du monde” n’est donc pas près de s’effriter. “On fonctionne avec l’Everest comme des papillons de nuit avec une lumière blanche : on ne peut pas s’empêcher d’y aller.”

(source- https://www.francetvinfo.fr/sports/sports-extremes/on-peut-passer-dix-heures-a-attendre-dans-le-froid-le-dangereux-succes-de-l-everest-sommet-le-plus-embouteille-du-monde_3486035.html?fbclid=IwAR2w-B-BI1ecPF5rd_yy9fJImFLxEWoZI3AzFMKRIR3DCvlRLoVgAK2MDM0)

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