En Image : Himalaya, les Ames Blanches
- Photographies :Eric Valli/ Texte : Joëlle Ody
« Soo, soo, La guialo », les dieux sont vainqueurs, disent respectueusement les caravaniers qui franchissent les cols de l’Himalaya. Eric Valli les a suivis sur les sentiers du Toit du monde, traversant parfois avec eux la frontière qui les sépare du Tibet. Il a appris leur langue, partagé leur vie dans les hautes vallées du Dolpo, le Pays caché du nord-ouest du Népal, une terre impitoyable qu’il a été un des premiers étrangers à arpenter. Au fil de ses reportages échelonnés sur plus de vingt ans, le photographe témoigne de la rude existence d’un peuple qui a puisé sa force dans le bouddhisme tibétain.
Eric Valli, Eric Valli, vallée de l’Arun, 1980« J’ai réussi à me mêler à une de ces caravanes qui traversent l’Himalaya pour troquer le sel contre le grain, raconte Eric Valli. En chemin vers le Tibet, sous la tempête, le voyage s’est transformé en retraite de Russie. La couche de neige était si épaisse que les yacks n’avaient plus accès à l’herbe, il fallait les gaver. Ce sont ces photos qui m’ont ouvert les portes de “Stern”, “Geo”, “National Geographic”
Eric Valli, Vallée de l’Arun, 1980 «J’ai réussi à me mêler à une de ces caravanes qui traversent l’Himalaya pour troquer le sel contre le grain, raconte Eric Valli. En chemin vers le Tibet, sous la tempête, le voyage s’est transformé en retraite de Russie. La couche de neige était si épaisse que les yacks n’avaient plus accès à l’herbe, il fallait les gaver. Ce sont ces photos qui m’ont ouvert les portes de “Stern”, “Geo”, “National Geographic”…»
Eric Valli, Cal de Baga La, 5300 mètres, 1991 «Tinlé, le caravanier qui inspirera mon film “Himalaya, l’enfance d’un chef” et en sera l’acteur principal, rentre au pays avec un cheval acheté dans la vallée. Son pantalon de laine a rendu l’âme, je lui ai donné mon deuxième jean. Quelques années plus tard, Tinlé, malade, va passer sa convalescence chez moi. En regardant “Les sept samouraïs”, il me dira: “Tes photos, tes livres, c’est bien, mais tu devrais faire un film sur nous!”
Eric Valli, Chou Tang, Dolpo, 1997 «En plein tournage d’“Himalaya, l’enfance d’un chef”, nous avons été pris dans une tempête de neige entre deux cols à 5500 mètres d’altitude. Nous étions une cinquantaine d’hommes avec une centaine de yacks. Les tentes s’effondraient sous le poids de la neige. Heureusement, à Chou Tang, nous étions à l’abri des avalanches qui grondaient tout autour. Tinlé a organisé le camp et, le beau temps revenu, nous a sommés de rester trois jours de plus pour que la couche de neige se stabilise.
Eric Valli, Dolpo, Hiver 1998 «Le caravanier qui porte à la ceinture un briquet tibétain s’est arrêté pour laisser son yack se reposer. Hommes et yacks sont indissociables. Sans l’animal qui lui donne sa force, sa fourrure, sa viande, son lait, son cuir et sa bouse – le seul combustible de la région –, l’homme ne pourrait pas survivre au Dolpo. Il m’arrive très rarement de couper des têtes mais là, tout m’a semblé tellement naturel.
Eric Valli, Région de Jumela, 1992 «Les bergers canalisent leurs troupeaux à l’aide de longs bambous, ils portent une hotte contenant quelques vêtements, des couvertures, des peaux de chèvre roulées qui servent de matelas et quelques provisions. Ici, une bergère porte un coq pour sa basse-cour.
Eric Valli, Balou Lekh, Ouest du Népal, 1992 «A 3400 mètres d’altitude, sur la montagne de l’Ours, un berger chétri contemple la vallée qu’il a quittée sept mois auparavant en quête d’herbe. L’homme porte un grand mouton qui s’est cassé la patte dans un pierrier.»
Eric Valli, Région de Saldang, 1991«Le “gara”, forgeron boucher, qui vient de tuer le grand yack de Tinlé, va emporter sa part: la tête de l’animal et son cœur qu’il a mis sous sa houppelande. Le lama a assisté à la mort par étouffement et a organisé une cérémonie pour que le yack se réincarne au mieux. Nous sommes en novembre, il fait froid, la viande se conservera tout au long de l’hiver.»
Eric Valli, Sud du Dolpo, 1981«Ce matin-là, il faisait tellement froid que j’étais encore dans mon sac de couchage. Tout à coup j’ai entendu des cris et un grondement: de l’autre côté du torrent un groupe de yacks poussé par un jeune caravanier dévalait la pente. Après la lente montée des cols, qui dure souvent plusieurs jours, c’était la joie sauvage des descentes. J’ai tout juste eu le temps de sortir mon appareil. Le jeune homme a écarté les bras un fragment de seconde: la photo!»
Eric Valli, Pont sur l’Arun, 1978 «La rivière charriait une eau boueuse dans un grondement impressionnant. Mon ami Danène s’est engagé lentement sur le passame, le pont de fibres de bambous tressées. J’étais resté plus haut sur la falaise. Quand mon compagnon s’est arrêté pour souffler, j’ai bien calé mon appareil photo et fait tomber la vitesse au 1/15 ou peut-être au 1/8 de seconde. Je savais que j’avais fait une bonne photo. De retour en France, je ne l’ai pas retrouvée: j’avais perdu la bobine. Deux ans plus tard, j’ai franchi le même pont. Le même homme nous a offert l’hospitalité. Et il m’a remis un petit sac trouvé sous ma paillasse: mes rouleaux de Kodak. Humidité ? Chaleur de l’été? Froid des hivers? Les films avaient pris une teinte vert bronze qui souligne encore l’atmosphère de cette photo.»
Eric Valli, 1988, Dolpo «Bloqués par la neige, nous venions de passer une semaine dans le village de cette femme. Assise sur le perron de sa maison, elle regardait partir notre caravane. Elle était tombée amoureuse de l’un des porteurs. Neuf ans plus tard, j’ai essayé de la retrouver pour la faire jouer dans “Himalaya…” En vain.»
Eric Valli, 1980, village de pilling heute vallée de l’Arun «Sur la route des caravanes, au cœur de la forêt qui borde la frontière du Tibet, Pindzo et sa femme font le commerce du bois et accueillent les voyageurs dans leur petite maison isolée. C’est chez eux que j’ai dormi après une chute au cours de mon retour du versant tibétain où j’étais passé en fraude avec les caravanes. La neige et mon sac à dos m’avaient sauvé la vie mais j’avais perdu mes derniers films. Le lendemain, je les ai retrouvés exactement là où j’étais tombé.»
Eric Valli, Pâturages de Shey, 5500 mètres, Dolpo, Été 1992 «Puti Wongmo et ses deux filles se réveillent sous la tente en poils de yack. “National Geographic” a voulu faire sa couverture avec cette photo en décembre1993 pour le sujet “Himalayan caravans”, mais a dû y renoncer parce que la petite fille est nue.»
Eric Valli, Haute vallée de l’Arun, 1978 «Pendant que les parents s’affairent à charger les yacks afin que la caravane puisse repartir après la tempête, les grandes sœurs s’occupent de leurs petits frères. Il faut se hâter: nous sommes en décembre, les premières neiges vont bientôt fermer les cols du Tibet.»
Eric Valli, Dolpo, 1984 «Une grand-mère et sa petite- fille se protègent des premiers flocons de neige dans un cocon de laine, lors de la migration sur la route du grain. Au début de l’hiver, les habitants du Nord Dolpo, hommes, femmes et enfants, quittent leur village en quête d’herbe pour leurs yacks et, pour eux-mêmes, de la nourriture qu’ils recevront en échange du sel rapporté du Tibet.»
Eric Valli, 5300 mètres, Dolpo, Novembre 1991 «Guidés par Tinlé, les yacks chargés de sel gravissent le col de Kagmara (“là où meurent les choucas”). Cette photo montre une tradition aujourd’hui disparue. Le IIIemillénaire a sonné le glas de l’échange du sel des lacs tibétains contre le grain du piémont. Les caravanes transportent désormais surtout des objets manufacturés venus de Chine. L’argent a remplacé le troc.»
Eric Valli, Village de ट्ôत «Son mari taillait et cousait les meilleures pelisses de la région. C’est lui qui a fourni les peaux laineuses pour le “lokpa” de Tinlé dans mon film. La femme, elle, tissait de très beaux lius, ces magnifiques couvertures de laine rayée comme celle qu’elle porte sur les épaules.»
Eric Valli, Vallée de l’Arun, 1978 «C’était mon premier séjour au Dolpo. J’habitais chez les parents de cette petite fille de 10 ans, Pangdjé.»
source-http://www.polkamagazine.com
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