Une histoire de rencontres

  • Agathe Vitteau

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Voilà deux mois maintenant que je suis revenue de mon voyage au Népal. Il s’est déroulé du 18 Octobre au 27 Décembre 2011.

Dans mon quotidien je suis pianiste de jazz et de musiques improvisées. J’enseigne aussi en parallèle le piano.

J’ai voulu entreprendre un voyage humanitaire; depuis longtemps ce désir trottait dans ma tête, mais soudain il est devenu une nécessité. Cela s’est révélé durant l’été 2011 et s’est très vite concrétisé, puisque je prenais l’avion quelques deux mois à peine plus tard. Mon idée première était de partir dans un orphelinat. La deuxième était d’aller en Inde, à Calcutta. Puis un ami m’a parlé de cette organisation, Soleil Vert. Je suis allée faire un tour sur leur site. A partir de là, ma nécessité de partir s’est mué en intuition d’aller particulièrement là-bas, dans ce petit village du Sud du Népal où Soleil Vert venait de faire construire son nouvel orphelinat. J’ai eu un véritable coup de coeur pour le projet de l’association, l’investissement qu’ils avaient mis à la création de cet orphelinat, et au désir d’accompagner ces enfants défavorisés dans leur difficulté à vivre et à grandir. 

J’ai eu la présidente de l’association au téléphone, Marie-Edwige, et mon intuition s’est confirmé là encore. Une femme dynamique et tournée vers les autres, entièrement immergée au coeur de ce beau projet. Le fait que ce soit une petite organisation, à une échelle très humaine, et de plus chaleureuse, me plaisait particulièrement. Nous avons parlé de ce que je pourrais faire et apporter aux enfants. L’idée de leur enseigner la musique est tombé sous le sens.

C’est ainsi que je suis parti dans le village de Sauraha, au “Nepal Children Welfare Home ” et que j’ai partagé pendant près de deux mois le temps de ces magnifiques enfants aux sourires éclatants de vie.

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Je suis arrivée à l’orphelinat le premier Novembre. La première semaine s’est écoulée sous le regard d’observation indispensable dont j’avais besoin avant de commencer tout projet. Faire connaissance, entrer doucement dans la vie de ces enfants, sans forcer les choses. Découvrir leur culture, leurs habitudes, l’organisation de chaque journée, avec les rituels du quotidien. Après ce temps d’observation et d’apprivoisement mutuel,  je suis parti un matin dans la grande ville la plus proche, Narangath. A la recherche d’un clavier. Ce fut l’expédition d’une journée, ce n’était pas chose facile d’en trouver un puisque cet instrument ne fait pas parti de la tradition musicale Népalaise. Je suis revenu le soir, accompagnée de mon petit synthétiseur et de flûtes en bois et percussions.

Mon idée n’était pas d’imposer une certaine culture musicale occidentale, et l’achat de ce clavier était seulement un moyen d’entrer en contact avec la musique par le biais d’un véhicule que je connaissais bien, et que je pouvais ainsi faire découvrir, partager.

Ceci s’est passé surtout à travers une approche de l’instrument comme “possible de

création, d’invention, d’histoires à conter”. Comment parler, dialoguer à partir d’un autre langage que celui de la parole ? L’improvisation musicale se révèle être un moyen merveilleux pour exprimer ce que les mots ne peuvent dire parfois. Miroir de nos désirs, nos peurs … on peut livrer par le biais de l’improvisation toutes sortes de sentiments, lorsque l’on s’y lance librement. Et ça, les enfants savent le faire mieux que personne ! Car il n’y a pas encore le jugement de soi sur la création, ni les obstacles de “la belle musique” gardée dans nos inconscients emplis de références musicales. C’est donc avec un grand enthousiasme que les enfants et moi nous sommes plongés dans ces séances musicales, parfois à deux, ou trois, ou bien en séances individuelles. Quelle réjouissance d’observer leur spontanéité à jouer librement, à s’immerger dans ces propositions de jeux. Souvent, je leur faisais créer un dialogue, en les mettant en position d’émetteur et de récepteur, ce qui favorise l’écoute active. Inventer une histoire musicale à deux, je te parle, je t’invite, et tu

me réponds, en fonction de ce que je t’ai proposé. Les enfants aimaient beaucoup ce genre de petits jeux d’improvisation. Je les incitais à voir avant tout l’instrument comme un moyen d’expression sans bornes. Le piano est propice à cela grâce à ses possibilités multiples que sont son jeu orchestrale, sa polyphonie, sa grande tessiture…

Lors des séances individuelles, nous avons abordé plus spécifiquement l’instrument au gré de mélodies Népalaises, ou de petites chansons simples que je leur apprenais.

En parallèle des sessions au clavier, j’ai régulièrement animé des ateliers d’ensemble, avec le groupe des petits ( de cinq à treize ans ) avec les flûtes et diverses percussions. J’ai mis en place par exemple un système de composition spontanée que l’on appelle “Sound Painting” dans le monde musicale.

Il s’agit de créer une musique de l’instant à partir d’un pannel de signes visuels codifiant une idée musicale, donné au groupe par le “chef d’orchestre”. Je leur avais appris une quinzaine de signes, donnant à prendre conscience d’idées musicales fondamentales comme les dynamiques, la vitesse, l’intensité, le phrasé, le jeu collectif …

Ils se sont pris au jeu, étaient très réceptifs aux propositions musicales par signes du chef d’orchestre (au début, moi, puis une fois les règles intégrées les enfants ont prissuccessivement le relais) investit dans son rôle de leader.

Puis, d’autre part, et d’une façon toute naturelle, nous avons partagé beaucoup de musique dans le quotidien, à travers quelques uns de leurs chants traditionnels qu’ils m’ont appris, d’autres comptines françaises que je leur chantais et aussi par de très beaux chants de célébration de l’Avant qui nous ont entourés pendant tout le mois de décembre ( les enfants étant de confession Chrétienne).

Je retire de cette expérience un sentiment immense de partage, d’échange, de transmission mutuelle. Oui, mutuelle, car ce qui s’est produit a été une véritable rencontre musicale et humaine. Je n’ai pas le sentiment d’avoir été là en tant que professeur qui souhaite délivrer un savoir, une connaissance, mais beaucoup plus d’avoir lancer des propositions qui nous ont permis, aux enfants et à moi, de nous rapprocher de ce que la musique a d’essentiel, à sa puissance d’expression; nous engageant ensemble dans la rencontre, au delà de nos différences culturelles.

 

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